(Extrait des Clés pour le judo de Jérémie.)
Les quatre piliers de la pratique sont le randori, le kata, le kōgi et le mondō.
Le randori-geiko ou simplement randori (乱取稽古 « entraînement de saisie tumultueuse » ou « saisie sans convention ») est un « exercice libre » visant l’éducation physique et l’entraînement aux situations de combat, ce qu’on appelle un assaut dans d’autres sports de combat. Tout est permis à l’exception des techniques trop dangereuses (kinshi-waza et ate-waza) : les deux combattants peuvent se servir de n’importe quelle technique technique de projection, immobilisation, clé ou étranglement pour attaquer et se défendre, pourvu qu’ils ne se blessent pas l’un l’autre et qu’ils respectent les principes du jūdō (seiryoku zen’yō, garder la posture shizentai, tsukuri-kuzushi-kake, jita kyōei, s’adapter au niveau du partenaire pour lui permettre de progresser, avoir une bonne attitude et un bon comportement, veiller à la sécurité). Le plus difficile est qu’il ne faut pas utiliser la force mais la souplesse, même face à quelqu’un de plus grand, plus lourd et plus puissant, il faut chercher des solutions techniques et souples, il ne faut pas bloquer mais esquiver et il ne faut pas avoir peur de tomber. Il n’y a ni gagnant ni perdant dans un randori, c’est un laboratoire pour faire toutes les expériences possibles, voir ce qui marche ou non, ce qu’il faut améliorer. Il faut donc être engagé dans le combat et absolument sincère dans ses attaques.
Les kata (形 « forme, image, figure » idéale) sont des séries de situations et de techniques d’attaque et de défense arrangées d’avance et codifiées, qui permettent de travailler tous les types de techniques, y compris ce qui est trop dangereux pour le randori (certains kinshi-waza, les ate-waza et l’utilisation d’armes) : puisque toutes les attaques et les défenses sont arrangées d’avance, on évite les risques de blessures. Les kata contiennent le cœur du jūdō, les trousseaux des clés qui en ouvrent les portes, ils en développent les principes, ils permettent d’habituer le corps aux attitudes, déplacements et gestes du jūdō. Les deux partenaires sont actifs : uke doit apprendre à faire des attaques justes et sincères face auxquelles tori apprend à réagir efficacement. Tandis que tori apprend à réaliser les techniques, uke apprend à les recevoir et à sentir leur effet pour les subir crainte et sans se blesser. Le Kōdōkan reconnaît 8 kata officiellement 1, qui approfondissent chacun un aspect particulier du jūdō.
Kōgi (講義) : « conférence », cours magistral, explications données par le professeur aux élèves sur tous les aspects du jūdō (techniques, mais aussi principes, buts, philosophie, attitudes, histoire, etc.).
Mondō (問答) : « questions-réponses, dialogue » entre les élèves et le professeur pour approfondir mutuellement leurs connaissances, leurs réflexions et leur compréhension.
Pour travailler, pour progresser et comprendre le Judo, deux pratiques se présentent à nous. Ce sont le Randori et le Kata. Et on ne peut négliger ni l’une, ni l’autre. Il y a entre elles une profonde relation. La même que celle que nous trouvons entre la grammaire et la composition. La grammaire enseigne les règles, les fondements de l’écriture et du parler corrects, c’est le Kata. La composition ou l’exercice libre, c’est le Randori. Pour bien faire le Randori, il faut donc bien connaître le Kata.
Ichirō Abe 2
Les autres formes d’entraînement qui doivent être pratiquées :
Tandoku-renshū (単独練習) : « exercice solitaire », dans le vide, pour s’imprégner du geste juste et apprendre à contrôler son propre corps.
Mitori-geiko (見取り稽古) : « entraînement de perception », d’observation 3. On apprend et comprend beaucoup de choses en regardant attentivement le professeur et les autres – ce qu’on peut faire même en étant blessé ou un peu malade… On parle même de « voler la technique » (nusumu 盗む).
Sōtai-renshū (相対練習) : « exercice en interaction, à deux », comprenant le randori, le kata et tous les exercices suivants :
- Uchikomi (打ち込み) : « frappes pénétrantes, taper sur le clou, marteler, enfoncer, frapper pour faire entrer la matière dans le moule », d’où : répétition des phases d’une technique (tsukuri-kuzushi-kake) jusqu’à la limite du nage pour s’imprégner de toutes les sensations justes.
- Nagekomi (投げ込み) : « projections » répétées.
- Kakari-geiko (懸り稽古) : « entraînement en suspension » : tori attaque sans arrêt, uke esquive sans contrer, tout en souplesse. Il s’agit de développer des solutions à partir d’une situation donnée (la « question en suspens »).
- Yakusoku-geiko (約束稽古) : « entraînement avec entente préalable », souvent qualifié de randori souple ou de randori à thème : il n’y a plus de tori et d’uke définis, les deux partenaires attaquent et esquivent tout en liberté et en souplesse, sans résistance, profitant des opportunités et s’adaptant sans cesse à la situation et en se mettant éventuellement d’accord sur un thème de travail.
- Shiai (試合) : « essayer ensemble, épreuve, compétition », test d’efficacité.
Ces exercices représentent une évolution dans la complexité du travail :
Mitori-geiko (analyse d’un modèle pour s’en faire une image mentale) < tandoku-renshū (reproduction du modèle seul avec soi-même pour se faire une image physique des sensations) < uchikomi (phases tsukuri-kuzushi-kake, à la limite de la projection ; tori s’entraîne à réaliser la technique en enregistrant les sensations physiques, uke à sentir ce qui se passe) < nagekomi (techniques complète, tsukuri-kuzushi-kake-nage pour tori, sentir ce qui se passe jusqu’à l’ukemi pour uke) < kata (uke attaque, tori se défend, dans une situation connue d’avance) < kakari-geiko (tori s’entraîne à attaquer en appliquant tsukuri-kuzushi-kake, uke s’entraîne à se défendre en sentant ce qui se passe et ne sait plus quand il va tomber) < yakusoku-geiko (il n’y a plus de tori et d’uke définis, les deux partenaires attaquent et se défendent suivant des consignes) < randori (travail totalement libre et engagé) < shiai (chercher à garder le contrôle et l’efficacité).
« Pour avoir l’idée d’un geste, il faut le faire mille fois. Pour le connaître, il faut l’exécuter dix mille fois. Pour le posséder, il faut le répéter cent mille fois. »
Le plus ancien kata du Kōdōkan, le gō-no-kata (剛の形, « formes de dureté » (associé au jū-no-kata – on parlait même à l’époque de gōjū-no-kata 剛柔の形), inachevé, n’est plus pratiqué que par Toshiyasu Ochiai, 9e dan, qui s’efforce de le faire reconnaître. D’autres kata non officiels développés par divers maîtres existent, tels le nage-waza-ura-no-kata de K. Mifune, le nanatsu-no-kata de T. Hirano, le go-no-sen-no-kata, le kaeshi-no-kata, le joshi-jūdō-goshin-hō, le renkohō, le kimeshiki, le shobu-no-kata.↩
Mitori : littéralement « prendre (tori) en regardant (mi) », donc « percevoir, saisir, comprendre ».↩