Kata

(Extrait des Clés pour le judo de Jérémie.)

Les kata (形 « forme, image, figure » idéale) sont des séries de situations et de techniques d’attaque et de défense arrangées d’avance et codifiées, qui permettent de travailler tous les types de techniques, y compris ce qui est trop dangereux pour le randori (certains kinshi-waza, les ate-waza et l’utilisation d’armes) : puisque toutes les attaques et les défenses sont arrangées d’avance, on évite les risques de blessures. Les kata contiennent le cœur du jūdō, les trousseaux des clés qui en ouvrent les portes, ils en développent les principes, ils permettent d’habituer le corps aux attitudes, déplacements, gestes et sensations du jūdō. Les deux partenaires sont actifs : uke doit apprendre à faire des attaques justes et sincères face auxquelles tori apprend à réagir efficacement. Tandis que tori apprend à réaliser les techniques, uke apprend à les recevoir et à sentir leur effet sans crainte et sans se blesser.

Le Kōdōkan reconnaît 9 kata officiellement 1, qui approfondissent chacun un aspect particulier du jūdō :

  • Nage no kata (投の形) : « formes de projections ».
  • Katame no kata (固の形) : « formes de contrôle ».
    • Le nage no kata et le katame no kata constituent le randori no kata (乱取の形).
  • Jū no kata (柔の形) : « formes de l’adaptation ».
  • Kime no kata (極の形) : « formes de détermination », autodéfense issue du Tenjin Shin’yō ryū.
  • Kōdōkan goshin-jutsu (講道館護身術) : « techniques d’autodéfense [moderne] du Kōdōkan ».
  • Koshiki no kata (古式の形) : « formes antiques », héritage direct du Kitō ryū.
  • Itsutsu no kata (五の形) : « cinq formes », symbolisant les principes de la nature.
  • Seiryoku zen’yō kokumin taiiku (精力善用国民体育) : « éducation physique du peuple par la bonne utilisation de l’énergie », kata d’éducation physique peu pratiqué.
  • Kodomo no kata (子供の形) : « kata des enfants », développé très récemment par le Kōdōkan et la Fédération française de judo comme méthode progressive d’enseignement des fondamentaux aux enfants.

« Je pensais toujours qu’il valait mieux défoncer les portes que perdre du temps à ne pas chercher leur clef et de ne pas arriver, faute de calme et de sang-froid, à trouver le trou de leur serrure.
En arrivant au Japon je me moquais des Katas et de tous les secrets qui étaient supposés s’y trouver cachés.
En Europe, auparavant, les deux Katas que j’avais approchés (Nage-no et Katame-no) ne m’avaient absolument pas impressionné. Je pense aujourd’hui que c’est parce qu’ils ne m’avaient jamais été correctement enseignés.
Je ne pensais donc qu’à défoncer des portes et à encore plus de puissance et de dureté pour « défoncer » de mieux en mieux, de plus en plus vite, pendant que je voyais autour de moi des quantités innombrables de clefs qui avaient toutes l’air de vouloir fonctionner et ouvrir sans dommage, ni déploiement de puissance inutile.
Il m’a fallu six bons mois au Japon, de bagarres sensationnelles et déchaînées aux côtés des sages et savants Katas pour m’arrêter un jour, essoufflé, crevé et agacé contre une dernière porte, trop épaisse celle-là, pour finalement prendre rageusement la clef que me tendait depuis longtemps déjà, en souriant doucement, un de ces vieux maîtres du Kōdōkan. « Et j’ai ouvert la porte en tournant simplement la clef dans la serrure. »
C’est depuis que j’ai commencé l’étude des Katas[,] trousseaux des clefs du Judo, « des clefs des fameuses portes épaisses ou pas » !
… Et le public jeune ne voit rien d’intéressant dans le fait qu’on ouvre une porte avec une clef au lieu de la défoncer bien brutalement. On dit : « Oui, évidemment, comme ça c’est trop simple, tout le monde peut le faire. » Défoncer une porte semble toujours plus drôle ! »

Yves Klein, Les fondements du judo, 1954

« Les katas sont extrêmement importants. On ne peut pas pratiquer un kata ou une technique de la manière qui nous plaît. Le kata impose un mouvement précis pour une raison précise. Et on doit chercher le sens de ce travail avec son propre corps.
Dans tel kata on va bouger comme cela, en Yagyu on va bouger ainsi… et il faut chercher, avec le corps et non pas la tête, les raisons de tel ou tel mouvement, le sens de ce travail. Ce sont des éléments pédagogiques indispensables. Pratiquer sans ces fondements revient à vouloir écrire sans connaître l’alphabet. »

Akira Hino, interviewé par Léo Tamaki

  1. Le plus ancien kata du Kōdōkan, le gō no kata (剛の形, « formes de dureté » (associé au jū no kata – on parlait même à l’époque de gōjū no kata 剛柔の形), inachevé, n’est plus pratiqué que par Toshiyasu Ochiai, 9e dan, qui s’efforce de le faire reconnaître. D’autres kata non officiels développés par divers maîtres existent, tels le nage-waza-ura no kata de K. Mifune, le nanatsu no kata de T. Hirano, le go-no-sen no kata, le kaeshi no kata, le joshi-jūdō-goshin-hō, le renkohō, le kimeshiki, le shobu no kata.

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